Omer Charlet, un oublié exemplaire
L’ouvrage, Entre Oléron et Paris, Le Peintre Omer Charlet, Un oublié exemplaire 1809 – 1882, consacré au grand peintre oléronais du XIXe siècle mais aussi conseiller général du canton du Château-d’Oléron pendant 30 ans entre 1852 et 1882 vient de sortir. L’aboutissement d’un travail mené lors des différents confinements liés au Covid.
par Christophe Bertaud
Cette histoire commence avec l’Accrochage n° 7 du Musée des Beaux-Arts de La Rochelle en 2013 consacré aux femmes dans les collections du musée sous le titre Elles me ressemblent… et je leur ressemble. Je découvre alors un tableau oublié dans les réserves qui m’émeut profondément, Une Mère au chevet de son enfant mort dont le tableau dégage une force dramatique intense.
Lorsqu’en 2018, l’Académie des Belles-Lettres, Sciences et Arts de La Rochelle relance le Prix de l’Académie, j’y participe en me souvenant de ce tableau bien décidé à résoudre l’énigme de cette Mère au chevet de son enfant mort. « L’enquête sur les œuvres d’Omer Charlet au musée des Beaux-Arts de La Rochelle » est couronnée d’une mention du jury pour le Prix de l’académie. L’aventure aurait pu s’arrêter là. Mais cette enquête se poursuit finalement en faveur du premier confinement de mars 2020 lié à l’épidémie de Covid. Afin de s’évader d’un quotidien cloitré au regard d’une actualité anxiogène, je relance mes recherches plus vastes sur le peintre Omer Charlet. J’arrive néanmoins rapidement à la conclusion qu’il faut que je trouve un historien de l’art pour m’accompagner dans le projet d’un ouvrage consacré à ce peintre, homme complexe aux multiples facettes.
J’emmène dans cette aventure mon ami Patrick Sembel qui enseigne l’histoire des arts au lycée Dautet de La Rochelle et à l’université, « … et moi, amateur de l’art moderne et contemporain, me voici embarqué dans une défense et illustration d’un peintre bonapartiste et catholique ! Dans ces journées de mars 2020, quand le silence règne sur la ville, nuit et jour, Omer Charlet va progressivement m’accaparer. Au fil des appels téléphoniques, plus d’une vingtaine par jour, au gré des mails, c’est toute une existence qui commence à émerger, rendant attachant un peintre qui ne l’est pas de prime abord.
Viennent rapidement les récompenses et les joies de l’enquête. Les découvertes d’archives, les redécouvertes et inventions de toiles, l’attribution des bons titres se succèdent. Un puzzle se recompose où le portrait de l’homme s’enrichit et s’humanise. Viennent les sorties, redevenues possibles au cours de l’été. Direction Rochefort, Marennes, Oléron. Promenades d’églises en églises, avec un escabeau sur l’épaule et dont les badauds se demandent bien à quoi il peut servir. À monter sur ce confessionnal à l’équilibre précaire pour voir si cette peinture n’est pas d’Omer Charlet. Et de nouveau des trouvailles. Et de nouveau de la joie. »
Dans le n° 164 du JdP de l’île d’Oléron (mai-juin 2020), je faisais un appel aux propriétaires privés pour savoir et connaître les tableaux, dessins et documents conservés dans les collections privées.
Michel Garnier, « l’historien du Château-d’Oléron » comme l’appellent souvent les habitants de la ville, est le premier à nous contacter. Omer Charlet, il le connaît bien et nous donne accès à des documents en sa possession mais aussi à une œuvre ignorée, le portrait du jeune Eugène Belot alors âgé de 18 ans en 1870.
Fin d’année 2020, je reçois également un coup de téléphone de Pamela de Montleau dont le père, Ghislain de Beaucé, est l’arrière-arrière petit-neveu du peintre. Et de nous dire de but en blanc, « les tableaux d’Omer Charlet, nous en avons chez papa… et j’en connais aussi chez mes cousins dont un en Belgique ». Découverte sensationnelle. Ces sept nouvelles toiles nous font découvrir un peintre du privé, plus chaleureux où la tendresse et l’amour transpirent entre les sujets peints et l’artiste.
Dans un premier temps, il faut s’armer de patience avant de voir les œuvres en Charente dans le domaine familial car avec les différents confinements et contraintes administratives, les déplacements sont plus difficiles. C’était il y a à peine deux ans, déjà une éternité, heureusement, pour nos mémoires sélectives. Fin février 2021, nous découvrons enfin ces toiles privées.
Parmi elles, se trouve un portrait, signé en bas à droite, localisé et daté « Hyères 1881 » soit l’année précédant la disparition du peintre dans cette même ville en février 1882. Ces indications en font, dans l’état actuel de nos connaissances, la dernière toile achevée par Omer Charlet. Cette dame de Hyères ne fait pas partie des toiles issues de la famille. Ghislain de Beaucé raconte l’avoir chinée avec son épouse par hasard chez un antiquaire aux puces de Saint-Ouen. Du coin de l’œil, il avait remarqué des similitudes avec ses tableaux de famille.
Omer Charlet est représentatif de ce qu’il advient des toiles de la plupart des peintres. Malgré une carrière officielle et des prix qui en font un artiste renommé, la moitié de ses tableaux et la majorité de ses dessins ont disparu.
Sur l’île d’Oléron, nous pouvons voir ses œuvres dans l’église Notre-Dame de l’Assomption du Château-d’Oléron (Le repos de la Sainte famille, 1842 ; Foi, Espérance et Charité, 1864 ; Saint Pierre, sans date ; Sainte Thérèse d’Avila, 1862 ; Miséricorde, 1879 ; Sainte en prière (?), sans date), dans l’église Saint-André de Dolus (Les Saints patrons de l’île d’Oléron, 1865) et dans l’église de Saint-Trojan-les-Bains (Marie, étoile de la mer, 1865 aussi appelée Maris Stella (alias Notre-Dame-des-Tempêtes). Le Martyre de saint Adrien, restauré par la commune, pour lequel il obtient au Salon de 1841 une médaille troisième classe se trouve dans l’église de Marennes.
Avec les toiles d’origine privée et celles qui se trouvent dans les collections publiques au Musée des Beaux-Arts de La Rochelle (Lucrezia Contarini, 1858) ou au Musée d’Art et d’Histoire Hèbre de Rochefort (Loisirs, 1850 ; Fille de pêcheur d’Oléron, 1875 ; Premier départ du mousse, 1875 ; Orphelines de la mer, 1876 ; Lune rousse, 1877 ; Lune de miel, 1878 ; Autoportrait), à quand une exposition temporaire du plus grand peintre oléronais sur l’île d’Oléron ?
Entre Oléron et Paris, Le Peintre Omer Charlet, Un oublié exemplaire 1809 – 1882, Christophe Bertaud et Patrick Sembel, éd. La Geste, 280 pages, 30 €
Photo : Les auteurs, Patrick Sembel (à gauche) et Christophe Bertaud (à droite) autour de Fille de pêcheur d’Oléron dans les réserves du Musée d’Art et d’Histoire Hèbre de Rochefort.
Les Amis du Musée de l’île d’Oléron organisent une conférence avec les auteurs le vendredi 24 mars à 20h30 dans la salle du conseil municipal de la mairie du Château-d’Oléron.