Classer ne veut pas dire sanctuariser
Le projet de classement de l'île a fait l'objet, dans la plus grande discrétion, d'une enquête publique au mois de mars. Les élus ont donné un avis défavorable à ce projet estimant que leurs demandes n'avaient pas été prises en compte.
La loi du 2 mai 1930 permet de préserver des espaces du territoire français qui présentent un intérêt général du point de vue scientifique, pittoresque et artistique, historique ou légendaire. Le classement d’un site ou d’un monument naturel constitue donc la reconnaissance officielle de sa qualité et la décision de placer son évolution sous le contrôle et la responsabilité de l’Etat. Le classement est ainsi une protection forte qui correspond à la volonté de maintien en l’état d’un site ce qui n’exclut ni la gestion, ni la valorisation. Généralement consacré à la protection des paysages remarquables, le classement peut intégrer des espaces bâtis qui présentent un intérêt architectural. Les sites inscrits ne peuvent être ni détruits ni modifiés dans leur état ou leur aspect sauf autorisation spéciale.
Depuis la fin des années 90, la Direction régionale de l’environnement (DIREN) a engagé une étude préalable au classement des sites de l’île d’Oléron. Le projet de l’île d’Oléron a pour objectif de préserver et protéger le domaine public maritime, les marais salants et les marais doux, les paysages littoraux (plages, dunes et forêts dunaires), les terres agricoles, les espaces boisés du paysage agricole. Le principe est que le site classé ne comporte pas ou peu d’espaces urbanisés ou urbanisables. Après un premier examen par l’inspection générale des sites qui a confirmé l’intérêt patrimonial des paysages de l’île, le projet a été présenté à la commission départementale des sites de Charente-Maritime en juin 2004.
Le projet a ensuite été soumis, jusqu’au 9 avril dernier, à enquête administrative. Toutes les communes de l’île ont dû se prononcer sur ce projet. Si les élus sont unanimes sur la nécessité de protéger leur territoire, ils ne sont pas prêts, pour autant, à sacrifier des terrains ou des bâtis qui pourraient servir au développement (voir page 7).
Lors du conseil communautaire du 29 mars dernier, les élus ont décidé de revoir la DIREN pour, d'une part, exprimer leurs mécontentements et, d'autre part demander que leurs doléances soient prises en compte dans le périmètre définitif.
Entretien avec Pierrick Marion, chef du service Nature, site et paysage à la DIREN.
Journal des Propriétaires de l’île d’Oléron – Ce projet est dans les tiroirs depuis les années 90. Pourquoi ce délai ?
Pierrick Marion – Le projet résulte d’un comité ministériel dans les années 70-80 qui avait décidé du classement de toutes les îles de l’Atlantique. Le dossier d’Oléron était le plus lourd car l’île est la plus grande. Une étude de périmètre a été entreprise dans les années 90 mais la personne chargée de ce dossier devait aussi poursuivre le projet du classement de l’île de Ré et d’autres dossiers importants. Nous avons relancé le dossier lors de l’élaboration du SCOT de l’île d’Oléron. Le projet est passé en commission des sites en 2004 et un projet global a été avalisé. Nous pensions le présenter en enquête publique l’été suivant mais nous avons dû faire face à un problème de personnel ce qui a retardé le dossier.
JdP – Finalement l’enquête publique, qui aurait du permettre à la population de se prononcer sur cet important dossier, s’est tenue en mars sans aucune information, excepté deux annonces légales dans les journaux locaux. Pourquoi soudain une telle précipitation ?
Pierrick Marion – Depuis septembre 2006, nous rencontrons les élus pour élaborer ensemble le périmètre. Une fois que ce dernier a été défini il fallait choisir une date pour l’enquête publique qui intègre une période de vacances, ce qui a été fait.
JdP – Mars n'est tout de même pas la période où les vacanciers sont les plus nombreux. Pourquoi ne pas avoir choisi de réaliser cette enquête publique cet été ?
Pierrick Marion – Après le mois de mars nous entrions dans une période électorale (les présidentielles, les législatives et les municipales) où il n'était plus possible de faire cette enquête. Attendre la fin de cette période cela repoussait à l’année prochaine. Avec l’élection probable de nouveaux maires, le dossier aurait dû être repris depuis le début puisque nous aurions eu de nouveaux interlocuteurs. Il fallait avancer.
JdP – Finalement, les élus sont unanimes contre le projet présenté alors même que vous avez travaillé ensemble les périmètres. Pourquoi ce décalage ?
Pierrick Marion – Il faut savoir que lorsqu’un périmètre est défini et présenté à l'enquête publique, il n’est pas possible après de rajouter des choses. C’est pourquoi, nous avons décidé de présenter un périmètre élargi au maximum pour nous permettre d’enlever ensuite des éléments. De plus, l’île d’Oléron est plane ce qui implique que les perceptions géographiques ne sont pas bien définies. On peut donc faire passer un trait sur une maison ou au plein milieu d’un terrain. Nous avions expliqué tout cela aux élus qui avaient compris la problématique. Cependant, lors des conseils municipaux, les élus ont pu croire que les traits tracés étaient fermes et définitifs et se sont alors demandé s'ils n'avaient pas été piégés. Par précaution, ils ont voté contre. Depuis, nous leur avons demandé à chacun de nous transmettre un recueil détaillé pour nous faire part de leur demande.
JdP – Pour beaucoup d’élus, qui se disent cependant préoccupés par l’environnement, classer, c’est sanctuariser.
Pierrick Marion – Non, classer ce n’est pas sanctuariser. Il ne s’agit pas d’un sanctuaire où l’on ne peut rien faire. Cependant, toutes les modifications ou les constructions nouvelles sont soumises à autorisation. 85% du territoire de l’île est classé cela ne signifie pas que l’on interdit tout aménagement, l’île doit continuer à vivre. Le classement doit répondre et mettre un terme à l’urbanisation galopante de l’île en lui reconnaissant son caractère unique. Tout est encore possible, mais avec des règlements nouveaux.
Nous sommes habitués aux avis défavorables des maires à qui le classement peut faire peur. Dans la pratique, on s’aperçoit que le classement génère des retombées économiques car les vacanciers se déplacent parce qu’ils veulent découvrir un site préservé.
JdP – A quelle date le classement sera-t-il définitif ?
Pierrick Marion – La procédure va être encore longue, au moins une année. Une fois l’enquête administrative terminée, le préfet transmettra le dossier au ministre chargé de l’Environnement afin de passer devant la commission supérieure des sites. Si aucune opposition pendant l’enquête n’a eu lieu, le ministre prendra un arrêté de classement du site. Dans le cas contraire, le dossier sera adressé au Conseil d’Etat et le classement sera réalisé par un décret du ministre.
Une fois le site classé, tout projet d’aménagement modifiant l’état ou l’aspect des lieux sera soumis à l’autorisation du ministre chargé des sites. Par exemple, les permis de construire seront délivrés par l’Etat et non la commune, après un passage en commission des sites, si le projet se situe en site classé.
Classement de l'île : les doléances des communes
Saint-Denis-d'Oléron
Le conseil municipal estime que si ce classement paraît possible en dehors des zones constructibles, des réserves sont émises, notamment en ce qui concerne le secteur de la Motte Bossée.
La Brée-les-Bains
Les élus de La Brée ont émis un avis favorable sur le principe de classement en périmètre de site classé de l’île d’Oléron mais sous réserve, pour la commune, que soient exclues du périmètre du site classé la zone AUb figurant au document graphique du PLU et une partie de la zone Ar du PLU, le long de la rue de la Baudette : prolongement de la zone UB longeant la voie viabilisée, située face à la zone d’activités artisanales affectées plus particulièrement au petit artisanat et à l’habitat.
Saint-Georges-d'Oléron
Sur les 4 678 hectares de territoire communal, 3 982 hectares sont inclus dans le projet de site classé, soit 85,1% du territoire. Le conseil municipal a émis un avis favorable sous la réserve expresse qu’en soient retirés les secteurs suivants.
Une partie des secteurs des Mottes et de la Procureuse d’une part et de la Guérenne et des Plantes d’autre part qui, bien que situés près de la zone naturelle du marais du Douhet, accueillent déjà une station d’épuration pour les premiers et un cimetière et un dépôt pour les services techniques municipaux pour les seconds, et font l’objet au PLU en cours d’élaboration d’un zonage urbain spécifique déjà dédié uniquement à la réalisation d’installations ou d’équipements publics. Une partie également du secteur des Orivauds et plus particulièrement une bande à détacher d’une parcelle d’environ 30 mètres afin que la zone d’urbanisation future puisse avoir un accès depuis la voirie existante. Enfin, une partie des secteurs du bois de la Filasse et des Redentières et plus particulièrement autour du carrefour du stade à Cheray à l’intersection de la RD 734 et des VC 5 et 16 afin que les travaux d’aménagement d’un giratoire ne soient pas remis en cause.
Saint-Pierre-d'Oléron
Sur les quelque 4 085 hectares de territoire communal, 3 982 hectares sont inclus dans le projet de site classé, soit 85 % du territoire. Le conseil municipal a donné un avis défavorable sous réserve que le classement des lieux suivants soit revu. Le château de Bonnemie et ses murs d’enceinte font déjà l’objet d’une protection au titre classé des monuments historiques et en tant que jardin intéressant pour la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) en cours d’élaboration. La maison récemment construite, comme la maison de l’enfance, sont excentrées du parc et ne méritent pas de protection particulière. Le parc est aussi classé en espaces boisés classés. Enfin, il est en zone urbaine.
- L’extension future du complexe sportif et le moto-cross, en limite de la zone urbanisée du bourg. - Passé en zone à urbaniser lors de la révision du PLU, le secteur de la Poyade fera l’objet d’un projet d’aménagement. - Le port de La Cotinière et la zone des Grands Mourauds. La création de nouveaux aménagements se fera dans le cadre de la future concession sur le domaine public maritime et en zone portuaire du PLU. - La zone sud-ouest de la route touristique à La Cotinière comprenant le camping municipal. Bien que déjà en site inscrit de la frange littorale, le secteur est largement urbanisé et comporte deux campings classés. Cette zone est face à une large surface occupée par des zones à camper et des campings classés. - L’usine d’incinération au Bois d’Anga est classée pour la protection de l’environnement, le zonage du PLU a été modifié en créant une zone urbaine dédiée à l’usine afin de permettre son extension et les futures mises aux normes. - La station d’épuration est gérée sous forme de lagunage et un projet d’extension et de réaménagement de l’espace pour une ouverture au public est envisagé. De l’autre côté de la voie d’accès, se situe la zone de stockage des boues d’épuration. Bien qu’en zone naturelle, un secteur a été prévu afin de permettre son développement. - Le village de Saint-Séverin et la colonie des Tricoles. Ce village est en zone urbaine et touche grâce à la colonie de vacances le village des Pibles, exclu du site classé. - La Perrotine, en site inscrit, est un secteur protégé par ZPPAUP et le périmètre de protection des monuments historiques. Par ailleurs, il s’agit du bord est du chenal de la Perrotine, pendant de Boyardville, non situé en site classé. - Les villages de la commune, épars sur le territoire. Tous classés en zone urbaine, ils sont protégés par la ZPPAUP. - L’aérodrome, un projet de piste en dur est à l’étude. - La colonie de vacances de la Giboire est appelée à être transformée prochainement.
Dolus-d'Oléron
Le conseil municipal, compte tenu des exigences déjà assurées en matière de respect des sites, demande que le récent plan d’urbanisme demeure la référence pour définir le tracé des périmètres constructibles. Ainsi les élus insistent pour que la zone des Bêcheries soit exclue du périmètre. Ils demandent aussi que soit réexaminée la possibilité d’exclure du périmètre classé quelques petits secteurs constructibles et que le périmètre constructible soit étendu à la Jarrie pour agrandir dans l’avenir la zone d’activités. De plus, pour les élus il convient d’exclure du périmètre des réserves foncières qui conserveront leur statut agricole, il s’agit notamment de la zone les Rayneries et une partie de la zone des Peux.
Le Château-d’Oléron
Les élus estiment que globalement la carte proposée est satisfaisante mais qu’il reste des points sur lesquels il est nécessaire de se faire entendre. Ainsi ils demandent d’intégrer au périmètre classé une bande de 25 mètres le long de la route départementale entre le viaduc et les chantiers Ocqueteau, d’exclure du périmètre proposé de site classé l’emprise des cinq futurs ronds-points à réaliser sur la route départementale aux lieux-dits carrefour d’Ors, de Fief Naton, de Gresillon, de la Resinière et de Fontembre. Les élus souhaitent également faire modifier la taille de la bande paysagère prévue le long de la départementale entre Gresillon et la Renisière en la ramenant à 100 mètres au lieu de 200 mètres, d’exclure du périmètre la future voie d’accès à la zone artisanale à partir du futur rond-point de Grésillon et de la Renisière et enfin de modifier le tracé du zonage de classement dans le secteur du Grand Gibou.
Grand-village
Le conseil municipal a émis un avis réservé sur le projet de classement. Il demande que soit exempté de classement les zones suivantes : la zone 1 Nae les dunes de la Giraudière, la zone U1 entre la RD 126 et les logements de la SEMIS, la route du Jard, la route des Allassins et le chemin des Mottes, deux secteurs déjà urbanisés, la route de la Giraudière, le lotissement du Pré Carré, les Déserts zone NA et les Plongeats destinés pour une réserve foncière à 15-20 ans.
Saint-Trojan-les-Bains
Le maire a choisi d’écrire au préfet pour lui faire part de sa consternation et sa perplexité. «[…] Consternés parce que nous avons évoqué avec M. Olivier Gouet, inspecteur des sites, les avantages et conséquences d’un tel classement. Entourés d’espaces naturels, nous sommes favorables à cette démarche qui va protéger des dispositions naturelles auxquelles nous sommes très attachés. Au sein de cet écrin à protéger, la commune se doit néanmoins de vivre, de survivre. C’est ce que nous avons expliqué à l’inspecteur des sites en lui montrant que Saint-Trojan ne possède plus que de rares réserves foncières vitales pour notre avenir. Nos remarques avaient été mentionnées sur les plans et nous pensions avoir été entendus. Nous avons donc été profondément stupéfaits de constater que ces réunions préparatoires n’avaient servi à rien puisque aucune de nos observations n’avait été prise en compte. […] Avec ce classement (92,5% de notre territoire), l’avenir s’annonce des plus sombre. Où va-t-on loger nos jeunes qui veulent s’installer dans leur commune ? Déjà frappés lourdement par le PPNR depuis l’an 2000, assommés par l’inflation galopante des rares terrains privés restants, que vont-ils devenir si l’on ne peut leur faciliter ce droit au logement avec des programmes raisonnables et respectueux des règlements d’urbanismes en vigueur ? […]»